ORDRE DES TROIS TOISONS D'OR

 

 

 

 

Projets d'insignes et de plaques

 

Dans un article paru en 1907 dans la revue militaire rétrospective Le Carnet de la Sabretache, le chef d'escadron d'artillerie Jean-Joseph Taurignac relate avec détails la genèse de l'insigne et présente les différents projets proposés :

Les indications données par Napoléon au colonel Lejeune, lorsqu'il lui demandait, à Schönbrunn, de crayonner sous ses yeux la décoration nouvelle, étaient, semble-t-il, assez précises pour permettre à un dessinateur habile d'en exécuter un projet détaillé : « Ce sera mon aigle. aux ailes déployées, tenant suspendue dans chacune de ses serres, une des Toisons antiques qu'elle a enlevées et elle montrera fièrement en l'air, dans son bec, la Toison que j'institue. » Il voulait que la chaîne destinée à suspendre cet Ordre autour du cou devint un riche ornement dont l'allégorie serait toute martiale. « La chaîne ancienne est composée de briquets en pierres de silex, jetant du feu en se heurtant ; des éclats de grenades enflammées formeront la chaîne nouvelle. » L'Empereur avait même « pris la plume et tracé quelques lignes pour marquer les dimensions ». Lejeune rapporte qu'il remit ce dessin à l'Empereur qui donna ses ordres en conséquence. Bien que nous n'ayons pu retrouver aucune trace de ce premier dessin, il est hors de doute qu'un modèle fut adopté par l'Empereur. Le 24 septembre 1809, en effet. en invitant Lacépède à remplir les fonctions de Grand Chancelier des Trois Toisons d'Or, l'Empereur lui prescrit de « faire exécuter les décorations conformes au modèle » ; et le 29 novembre suivant, le ministre d'État, Maret, transmettant au Grand Chancelier « les modèles approuvés par Sa Majesté et qui devaient être annexés au décret », ajoute : « Ces modèles ont été préparés par M. Denon qui est entièrement à votre disposition pour suivre les opérations de la gravure des dessins ».
Des fabricants proposèrent aussitôt leurs services pour l'exécution de la décoration. La Grande Chancellerie possède dans ses archives une lettre de Berthollet, en date du 1er septembre 1809, appelant la bienveillante attention du Grand Chancelier sur la demande d'un sieur Fouquet, graveur à Paris, qui « a eu l'honneur d'avoir servi dans l'expédition d'Égypte et de s'y être fait estimer ». Ce graveur rappelle dans sa demande qu'il est « l'inventeur du procédé consistant à graver des matrices pour en tirer par le balancier des croix ( Légion d'honneur ) et des couronnes d'un seul morceau ». Il ajoute : « La prééminence de cet Ordre ( Trois Toisons d'Or ) peut faire croire qu'il est dans l'intention de Sa Majesté de donner à sa décoration toute la perfection possible ».
Le 18 février 1810, Napoléon ayant invité le Grand Chancelier à lui présenter un modèle de la décoration, Lacépède lui adressa les modèles exécutés d'après les dessins de MM. David et Denon. « Il est d'autant plus pressant, Sire, faisait-il observer, que Votre Majesté Impériale et Royale daigne me donner ses ordres à ce sujet, que l'on s'accorde à demander pour l'achèvement des décorations des Trois Toisons d'Or, un temps au moins égal à celui qui doit s'écouler avant le 15 du mois d'août. » L'Empereur n'examina ces modèles que le 8 juin, à l'issue de la séance du Grand Conseil de la Légion d'honneur. Il prescrivit d'en modifier les proportions. Lorsque, le 11 août 1810, le modèle ainsi modifié lui fut présenté, il ordonna d'en faire établir un nouveau dans lequel « l'aigle et la couronne n'auront ensemble que la moitié de la hauteur des Trois Toisons, de sorte que les Trois Toisons dominent ». Ces modifications successives auraient, à elles seules, suffi pour rendre impossible la fabrication des décorations pour la date du 15 août 1810.

Andréossy ayant été nommé Grand Chancelier de l'Ordre des Trois Toisons d'Or, le 14 octobre 1810, une série de projets lui furent de nouveau présentés par divers fabricants. La Grande Chancellerie de la Légion d'honneur possède dans ses archives les projets ci-après :

Merché-Marchand, graveur héraldique, Palais-Royal, n° 164, présente deux projets :
« 1° Aigle d'Or couronné, 3 éclats des anciens colliers de la Toison d'Or remplacent le foudre français ; au bas des deux extrémités sont suspendues les Toisons d'Espagne et d'Autriche et sont supposées être dans les serres de l'Aigle ; la Toison Française est au milieu, elle est plus forte, elle est libre sous la protection de l'Aigle. Le médaillon renferme un N rayonnant de gloire, le cercle pourpre est destiné à recevoir la devise, il doit être de cette couleur qui n'appartient qu'aux Souverains. La couronne, ou entourage, serait de lauriers. L'autre côté de la croix serait le même ; le médaillon renfermerait le portrait de Sa Majesté, on pourrait y accoler celui de son auguste épouse ; le premier chapitre de l'Ordre ayant été tenu sous son règne. On propose pour devise d'un des côtés : Tres in uno. Les éclats des anciens colliers sont composés d'une pierre à fusil, jetant feux et flammes ; ce qui termine les feux sont des crosses de fusils anciens, elles seraient d'or bruni et les feux émaillés.
« 2° L'Aigle Impériale Française est entourée du collier, il serait : or et émail, comme le numéro 1 ; l'allégorie est la même, j'ai varié les couleurs du médaillon pour donner de l'œil au bijou : la Gloire qui l'environne serait d'émail pour les hauts rangs et d'argent pour le dernier. »

Oliveras, quai de la Mégisserie, n° 48, qui avait été chargé de l'exécution de l'Ordre de la Couronne de Fer, présente des modèles que le Grand Chancelier « a déjà examinés et dont il a témoigné sa satisfaction ».

Nez, rue de Richelieu, n° 92, présente plusieurs projets :
« 1° Un bouclier romain, portant les trois Toisons attachées à des branches de laurier et la devise Dum vivam ( Tant que je vivrai ), reposant, entouré du collier de la Toison, sur une étoile de la même forme que celle de la Légion d'honneur ; semble réunir la pensée du fondateur et la loi imposée aux chevaliers, à tous les souvenirs de la valeur française. « On peut aussi placer dans le bouclier les trois Toisons surmontées de l'Aigle Impériale, comme elles sont indiquées sur le dessin de la plaque. »
« 2° Un bouclier portant l'Aigle Impériale tenant les trois Toisons attachées à des branches de laurier et reposant sur une étoile anglée de flammes du collier de la Toison d'Or. »
« 3° L'Aigle Impériale reposant sur une pierre à fusil à laquelle sont suspendues les trois Toisons. »

Bourdier, rue du Coq Saint-Honoré, n° 9 : Deux projets, dont l'un comporte des haches d'armes en platine, séparant les trois Toisons.

Biennais, orfèvre de Leurs Majestés Impériales et Royales, rue Saint-Honoré, n° 283, « qui a fait tous les modèles de la décoration de la Légion d'honneur, ainsi que la Couronne et tous les insignes de la Royauté et ainsi que les Ordres de Hollande, Naples et Westphalie », décrit ainsi ses projets : « Le numéro 1 a ses trois Toisons qui se regardent et il y a trois places pour les inscriptions que vous désirez y mettre. Le numéro 2 est de même forme, excepté que deux toisons regardent en dehors. Le numéro 3 a ses trois Toisons les têtes à droite et une légende au-dessus pour recevoir l'inscription, qui doit être en or sur émail rouge. Le numéro 4 est idem, mais les trois Toisons sont de face. J'ai fait paraitre des éclats de foudre comme Votre Excellence a paru le désirer et j'ai mis à chaque croix un anneau qui est un serpent se mordant la queue. Je joins aussi, Monseigneur, deux pensées de plaque du dit Ordre qui peut-être vous seront agréables. »

Coudray, rue du Roule, n° 17, « ancien fabricant des croix de Saint-Louis et du Saint-Esprit, ancien joaillier des Ordres du Roi », détaille ainsi qu'il suit ses projets :
« Aigle Impériale posée sur son foudre et couronnée avec petite croix au-dessus de la boule du monde ;
« Pierre à fusil, attribut qui est commun aux trois ordres, placée au centre de l'étoile ;
« Les trois flammes, attribut de même ;
« Les trois bricquets dont la forme est différente, dans chaque Ordre : Celui de Bourgogne auquel sont jointes les armes de cet ancien Duché, occupe la ligne moyenne au-dessous du foudre de l'Aigle Impérial et où s'établira le mouvement de l'Ordre, les deux autres bricquets sont placés, celui d'Espagne à la droite et celui de l'Ordre d'Allemagne à la gauche.

 

( Archives de la Grande Chancellerie )

 

« Les trois Toisons d'Or, uniformes pour chaque Ordre.
« Il propose un ruban couleur de feu avec un petit liséré d'or de chaque côté.
« N. B. – Une seconde flamme est adaptée au bricquet de Bourgogne ainsi que cet ancien Ordre le comportait ; il a paru nécessaire pour la vérité historique d'indiquer, d'une manière sensible, la différence des attributs de chaque Ordre, en plaçant le tout suivant leur succession chronologique.
« Il n'a point paru convenable de suspendre les trois Toisons d'Or sur une même ligne transversale, parce qu'il aurait fallu faire naître leur point d'attache de la flamme même et que, d'ailleurs, cela prendrait trop d'espace, offrirait une composition plus compliquée, plus massive et moins conforme à l'établissement des Ordres. »
A la suite des instructions qui lui furent données après examen de son premier modèle, le même fabricant, Coudray, adressa au Grand Chancelier, le 11 novembre 1811, un nouveau dessin présentant la disposition qu'il avait précédemment jugée défectueuse, « dans laquelle les trois Toisons étant suspendues à une même ligne transversale, la mobilisation de deux Toisons se trouverait forcement agir sous la flamme ».

 

( Archives de la Grande Chancellerie )

 

C'est ce dernier modèle, modifié en réunissant les trois Toisons, de manière à les rattacher directement à la pierre à fusil et non à la flamme même, que le conseil d'administration proposa à l'Empereur. Une note manuscrite, jointe au modèle, non signée, mais paraissant être de la main d'Andréossy, porte l'indication suivante :
« Décoration. – Celle du sieur Coudray, avec la devise Prœfulget autour de la lettre N sur la pierre à fusil.
« Grand Collier. – Formé par une suite de la décoration adoptée jointe avec l'N entouré d'une couronne de lauriers.
« Napoléon 1er Grand-Maître.
« Prœfulget ardua virtus ( la vertu qui surmonte les plus grands obstacles brille au-dessus de tout ) ».

 

 

 

 

 

 

 

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